Un peu de décence, s'il vous plaît !Tout a commencé avec le décret de la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU), paru le 30 janvier 2002 : tout bien destiné à la location doit être un logement décent. Mais que se cache-t-il réellement sous ce terme de « logement décent » ? Les critères de décence sont-ils vraiment bien respectés ? Et quels sont les recours et sanctions en cas de non respect ? Notre équipe a démêlé tout ce bourbier juridique pour vous proposer une synthèse exhaustive. Les critères de décenceAujourd'hui, les critères de décence sont au nombre de cinq. Plusieurs lois sont venues ajouter des précisions avec le temps, ou sont venues créer des critères supplémentaires pour définir au mieux ce qu'est un logement décent. Ces critères sont applicables à tous les types d'immeubles, y compris les maisons individuelles, et concernent aussi bien les locations vides que meublées, et aussi bien les locations simples que les colocations. 1. Une surface minimaleLa loi est claire sur ce point : le logement décent doit comporter au minimum une pièce principale ayant :
Les deux critères ne doivent pas être cumulatifs. En effet, depuis 2023, la loi a assoupli légèrement les règles : un logement dont la hauteur sous plafond est comprise entre 1m80 et 2m20 peut être loué s'il respecte un volume global de 20m3. Cette tolérance a été mise en place afin de pouvoir continuer à louer des logements type studettes ou chambres de bonnes. Ces règles s'appliquent également aux chambres louées dans le cadre d'une colocation. Le saviez-vous ? Certains règlements sanitaires départementaux peuvent maintenir des critères plus exigeants, et ne pas tenir compte du volume d'un logement. En cas de litige, le juge s'appuiera sur le règlement départemental. Comment calculer la surface habitable ? Et le volume habitable ? La surface à prendre en compte est celle qu'on appelle la surface « loi Boutin », telle qu'elle résulte de l'article R 111-2 du Code de la Construction et de l'Habitation. Donc seule la superficie habitable est prise en compte, déduction faite des surfaces occupées par les murs, les cloisons, les marches et cages d’escalier, les gaines, les embrasures de portes et fenêtres. Sont aussi exclus de la superficie les combles non aménagés, les balcons, loggias, terrasses. (À ne pas confondre avec la loi Carrez qui prend en compte d’autres surfaces considérées comme non habitables comme le grenier, la remise, la véranda ou encore le sous-sol). Le volume habitable est, quant à lui, défini par le total des surfaces habitables qui sont bien concernées (comme vu ci-dessus) multiplié par la ou les hauteurs sous plafond. Lorsque vous calculez le volume, vous devez prendre en compte toutes les hauteurs de plafond qui sont au-dessus de 1,80m. Alors que la notion de surface habitable est régie par les hauteurs sous plafonds qui sont de 2,20 m minimum, le volume habitable prend en compte, lui, les hauteurs au-dessus de 1,80 m. Attention, car cela peut changer beaucoup de choses. Exemple : si vous avez un logement avec 3 mètres de hauteur sous plafond pour une surface habitable de 8 m², le logement a un volume de 24 m3. Attention : dans ce calcul, on ne tient pas compte du volume de la pièce où la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80 m. Le volume occupé par le rampant ne compte donc pas. 2. Un logement sécurisé et sainCôté sécurité, un logement est considéré comme décent s'il assure le clos et le couvert. Les murs et le gros-œuvre doivent être solides et en bon état. Le logement doit aussi être protégé contre les remontées d’eau et les eaux de ruissellement. Les menuiseries, quant à elles, doivent assurer l’étanchéité contre les infiltrations d’eau. La loi précise aussi que le logement doit être protégé contre les infiltrations d'air (portes, fenêtres, murs et parois doivent être suffisamment étanches), les garde-corps des fenêtres et balcons ainsi que les escaliers doivent être conformes aux dispositifs de retenue des personnes. Attention : même s’ils sont en parfait état, il se peut qu'ils ne respectent pas les normes en étant trop bas ou en présentant un trop grand écartement des barreaux. Le réseau électrique, qui parvient jusqu’au logement, doit être suffisamment puissant pour éclairer correctement toutes les pièces et permettre le fonctionnement des appareils ménagers courants ainsi que le chauffage et l'eau chaude. Les différents branchements d’électricité ou de gaz doivent être conformes aux normes de sécurité (cf. diagnostic électricité et diagnostic gaz pour les installations de plus de 15 ans). L'aération, elle, doit être suffisante : les ouvertures par fenêtres et la ventilation doivent permettre un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés. Les problèmes d'humidité dans les logements sont récurrents. Vous pouvez vérifier avec l'aide de professionnels que les systèmes d'aération en place sont suffisants (VMC, VMI, etc). Les pièces principales (destinées au séjour ou au sommeil) doivent avoir un éclairement naturel suffisant et un ouvrant donnant à l'air libre, ou sur un volume vitré donnant à l'air libre. Le saviez-vous ? L'éclairement naturel est suffisant lorsqu'il vous permet de lire par temps clair et en pleine journée sans recourir à un éclairage artificiel alors que vous êtes installé au centre de la pièce. Côté sanitaire, l’état de conservation des matériaux de construction doit être correct. D'ailleurs, les diagnostics plomb et amiante existent pour vérifier leur éventuelle présence et prévenir des risques. C'est pour cela qu'ils ont été rendus obligatoires. Pensez à bien fournir ces diagnostics lors de la signature du bail. Peut-on louer une chambre dans un sous-sol ou dans des combles ? Oui, vous pouvez louer un logement dans un sous-sol ou dans des combles s'il ne présente pas un risque pour la santé du locataire. Il doit être aménagé pour un usage d'habitation et répondre aux critères suivants :
Peut-on louer une chambre sans fenêtre ? Non, vous ne pouvez pas louer une chambre sans fenêtre. La loi précise bien que les pièces destinées au séjour ou au sommeil doivent avoir un ouvrant donnant à l'air libre, ou un ouvrant donnant sur un volume vitré donnant à l'air libre. 3. Absence d'animaux nuisibles et de parasitesRats, cafards, blattes ou punaises de lit… Des mots qui résonnent avec dégoût pour le commun des mortels. Et pourtant, ces petites bêtes peuvent rapidement nous gâcher la vie ! Depuis 2018, la loi ELAN est venue ajouter un critère pour que le logement soit considéré comme décent. L'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dispose bien que « le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites » Tout propriétaire doit vérifier, avant la conclusion d'un bail, que son appartement ou sa maison ne présente pas de trace d'infestation. Difficile parfois, surtout quand on sait que certains nuisibles prolifèrent dans des endroits improbables, difficiles d'accès. Et c'est souvent en vivant plusieurs jours dans le logement qu'on finit par s'en rendre compte. D'où l'importance pour les locataires de prévenir immédiatement les propriétaires au moindre doute. Le locataire a, quant à lui, une obligation d'entretenir son logement. S'il est négligent et que la présence de nuisibles ou de parasites peut lui être imputé, le propriétaire pourra le contraindre à dératiser ou désinsectiser le bien (c'est au propriétaire d'en apporter la preuve). Cas particulier du logement dans une copropriété Selon l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic de copropriété est chargé d' « administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ». Si les nuisibles sont détectés dans les parties privatives uniquement, le syndic a uniquement un devoir d'information auprès de tous les copropriétaires, les prévenir du risque de propagation, et les inciter à trouver une solution d'intervention rapide. Par contre, si les nuisibles sont détectés dans les parties communes, alors le syndic devra mandater une société experte pour procéder à l'éradication. Et les frais liés à cette intervention seront partagés entre les copropriétaires. Il n'y a pas besoin de vote en assemblée générale dans ce cas car ce sont des actions nécessaires à la bonne tenue de la copropriété. Quand on sait que certains parasites prolifèrent très vite, et peuvent se propager d'un appartement à l'autre, il est parfois difficile de contenir les invasions dans les immeubles. Il faut agir rapidement, et le plus souvent traiter tout l'immeuble (parties communes et parties privatives) pour être sûr d'éradiquer le problème. Si vous êtes concerné(s), n'hésitez pas à prendre contact avec votre référent du syndic de copropriété pour trouver des solutions. 4. Mise à disposition de certains équipements nécessairesCôté confort, l’installation d’un mode de chauffage doit être possible et le logement doit être équipé de dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion. Une alimentation en eau potable avec une pression et un débit suffisants pour une utilisation classique (0,3 bars minimum en tout point) doit être respectée. L'évacuation des eaux usées doit pouvoir se faire, et la présence de siphons empêcher le refoulement des odeurs. Au niveau du coin-cuisine, il doit comprendre un évier raccordé à l'eau froide et chaude, une évacuation des eaux usées, et doit permettre d'y installer un appareil de cuisson. Côté sanitaires, le logement doit comporter une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un WC, séparé de la cuisine et de la pièce principale, et un équipement pour la toilette corporelle (baignoire ou douche), alimenté en eau chaude et froide, et muni d'une évacuation des eaux usées. Le saviez-vous ? Pour les logements d'une seule pièce (type chambre de bonne, studette), il est tout à fait possible de le proposer à la location avec des WC extérieurs au logement, à condition qu'ils soient facilement accessibles et situés dans le même bâtiment. Pour finir, le logement doit être équipé d'un réseau électrique permettant un éclairage suffisant dans toutes les pièce et accès. Cela implique bien entendu le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne (branchement pour le four, la machine à laver, etc). Rappel : Pour être considéré comme logement meublé, en plus de tous les critères d'équipement que nous venons de voir, le logement doit contenir au minimum certains meubles (voir liste des meubles pour un appartement meublé). 5. Une performance énergétique minimaleLa loi sur la transition énergétique est venue ajouter à tous ces critères le respect d'une consommation énergétique correcte. Cette consommation énergétique est estimée par le diagnostic de performance énergétique (DPE). A partir du 1er janvier 2023, la consommation d'énergie finale par mettre carré de surface habitable par an doit être inférieure à 450 kilowattheures. En métropole, à compter du 1er janvier 2025, le niveau de performance du logement inscrit dans le diagnostic de performance énergétique (DPE) autorisés seront :
En Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte :
La décence des logements est-elle vraiment respectée ?Toute cette réglementation a fait trembler bon nombre d'investisseurs. Pour certains, il n'est pas question d'investir encore plus. Pour d'autres, les possibilités matérielles ont leurs limites, et beaucoup peinent à trouver des solutions pour conserver leur patrimoine tout en respectant les lois, qui se font de plus en plus nombreuses (surtout depuis la loi sur la transition énergétique). La réalité, c'est qu'il y a très peu de contrôles sur le respect de ces critères de décence, et beaucoup de propriétaires prennent le risque d'être dans l'illégalité pour continuer à louer leur(s) bien(s). Les décisions de justice disponibles montrent qu'il y a en fait assez peu d'actions en justice introduites par les locataires. Souvent, les locataires essaient de se faire justice eux-mêmes en interrompant le paiement des loyers. Or ce n'est pas la solution. Si le logement n'est pas décent, il est plus raisonnable de continuer à payer son loyer. Les tribunaux s'appuient la majorité du temps sur une position très ferme de la Cour de Cassation, qui n'admet l'exécution d'inexécution (le fait de ne plus payer son loyer) que dans des circonstances très particulières. Ce qui est sûr, c'est que l'information se propage de mieux en mieux. Et de plus en plus de locataires sont conscients de leurs droits, et c'est une bonne chose ! Recours et sanctionsDans un premier temps, les litiges peuvent être réglés entre le bailleur et le locataire à l'amiable. Si le logement n'est pas décent, le locataire doit indiquer par écrit au propriétaire les signes de non décence de son logement. S'ensuivent alors 2 possibilités :
A défaut d'accord, dans les 2 mois après le courrier de mise en demeure, les parties, en général le locataire, peuvent saisir la Commission départementale de conciliation départementale ou le greffe du Tribunal. Le saviez-vous ? Quand vous achetez un logement qui est loué, vérifiez bien que le logement est décent. Si le logement n'est pas décent, c'est vous, nouveau propriétaire, qui risquez de vous retrouver devant le juge si le locataire décide d'aller en justice. Si le juge du tribunal constate que le logement ne satisfait pas aux normes de décence, il peut déterminer les travaux à réaliser et le délai pour les faire. Il peut décider de réduire le loyer, ou de le suspendre jusqu'à la réalisation des travaux. Il peut également allouer des dommages et intérêts au locataire suite aux préjudices subis. Les organismes sociaux (CAF ou MSA), qui doivent d'ailleurs être informés de la situation de non décence, peuvent également stopper le versement des aides au logement du locataire. Ils peuvent conserver les allocations logement pendant un délai de 18 mois. Et ce montant sera reversé au bailleur si les travaux de mise en conformité du logement ont bien été réalisés avant l'expiration de ce délai. Le saviez-vous ? Lorsque l'organisme informe le propriétaire de son obligation de mettre en conformité du logement, cela équivaut à une mise en demeure par le locataire. ConclusionLa liste des critères de décence est longue et précise, mais malheureusement pas toujours très claire quand on essaie d'analyser chaque situation. Beaucoup de décisions de justice avec de vrais cas concrets peuvent nous aider à y voir plus clair. Si vous avez le moindre doute, sachez que les agences départementales d'information sur le logement (ADIL), ou les agences nationales d'information sur le logement (ANIL) ainsi que le site internet du Ministère du Logement disposent de fiches et de brochures détaillées sur le sujet. |